Les acteurs de l’Education que nous sommes ont le devoir de réagir par rapport à toutes les
questions qui touchent l’Ecole de façon générale, et plus particulièrement son point focal que
constituent les potages. Ces apprenants constituent le centre d’intérêt, la pierre angulaire voire
le socle sur lequel se bâtit tout projet d’instruction digne de ce nom. L’Education Nationale au
Sénégal a très tôt été inspirée par « l’équité et l’égalité des chances » pour tous. L’objectif de
la tutelle, était d’apporter à chaque enfant du Sénégal, quelle que soit, sa contrée, son origine,
son genre ou sa religion, la possibilité de fréquenter l’école de son choix, afin d’y subir une
éducation et une formation de qualité qui puisse lui permettre d’assumer plus tard son futur et
d’apporter sa contribution au développement socio-économique du pays. Dans ce cadre, outre
l’enseignement public, les écoles privées, toutes obédiences confondues, laïques, ou
confessionnelles ont joué dès les indépendances, un rôle de tout premier plan dans
l’édification de notre jeune Nation. Notre pays s’est toujours caractérisé par une laïcité qui ne
dissocie pas totalement le spirituel du temporel. Le Sénégal a toujours disposé d’une laïcité
« positive » caractérisée par « une acceptation ouverte et non restrictive », conformément à la
Lettre de politique générale pour le secteur de l’éducation et de la formation (LPGS-EF, 2018,
p 3). La Constitution du Sénégal définit les institutions et communautés religieuses comme
moyen d’éducation. Elle leur donne le droit de se développer sans entrave. Dans la foulée,
selon les dispositions de la Constitution de 2016 (article 19), ces institutions et communautés
concourent à l’œuvre d’Education et de Formation, qui sont toujours assujetties au libre accès
à tous les citoyens qui le désirent. L’éducation religieuse est perçue au Sénégal, comme un
facteur de cohésion sociale, de stabilité, d’épanouissement moral et de développement,
compte tenu du patrimoine sénégalais riche de dialogue interreligieux et de tolérance.
Autrement dit, elle doit respecter ces diversités qui nous enrichissent et font de nous un petit
pays par la superficie, qui est envié et respecté à travers toute la planète, compte tenu de son
ancrage dans l’Etat de droit et la démocratie. D’ailleurs, une des forces du Sénégal réside dans
la capacité des religieux à interagir dans les affaires de l’Etat, lorsque cela est nécessaire,
permettant ainsi à ces derniers musulmans ou catholiques de servir quelquefois de vrai contre-
pouvoir. Dans ce laïcat à la sénégalaise, teinté de tolérance et d’ouverture, nous n’avons pas
besoin d’importer des valeurs occidentales, y compris dans le domaine de l’Education. Ceux
qui théorisent le problème du voile islamique à l’école, nous importent un contenu non
africain qui a surgi au Sénégal pour la première fois en septembre 2019, charrié par des vents

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qui ont soufflé depuis l’hexagone. Jusqu’à cette date des élèves porteurs de croix et de
foulards ont toujours étudié ensemble dans l’harmonie la plus parfaite ou, seule l’excellence
était discriminatoire. Mieux encore, dans un passé récent, notre pays a été le porte étendard du
dialogue islamo-chrétien, allant jusqu’à inspirer d’autres pays de la sous-région ou les conflits
interconfessionnels ont toujours fait la loi. C’est cet esprit de tolérance, d’enracinement et
d’ouverture qui a permis à des marabouts et notables musulmans d’élire dès l’indépendance
un Président de confession catholique dans un pays musulman dans son écrasante majorité
(95%). L’histoire a bégayé tout récemment avec les dernières joutes électorales à l’échelle des
collectivités locales, qui ont permis d’installer à Dakar un maire d’obédience chrétienne
soutenue massivement par l’essentiel de la population de la capitale, toutes confessions
confondues. Au Sénégal, musulmans et chrétiens ont toujours vécu ensemble en parfaite
communion, ils ont toujours eu l’habitude de partager les fêtes chrétiennes et musulmanes, les
terrains de football, les baptêmes, les décès, autant de valeurs quasi inexistantes dans les
sociétés occidentales caractérisées pour l’essentiel par la froideur, la solitude voire la phobie
de l’autre.
Nous n’avons pas besoin de schéma occidental de l’école où des restrictions tous azimuts
basés sur la religion ou l’origine, sous le couvert de « l’intégration », ont contribué largement
à des stigmatisations, voire des discriminations que nous, n’avons jamais vécues ni à l’école,
ni dans un autre endroit public. N’est-ce pas Le Président Poète L.S. Senghor qui a théorisé
« l’accès à la modernité sans renoncement à l’authenticité ». Dans le même sens, Le
Professeur Cheikh Anta Diop « rêvait d’une synthèse entre ancrage et métissage culturel ». Le
même chercheur lança « Formez-vous, armez-vous de sciences jusqu’aux dents (…) et arrachez
votre patrimoine culturel (…) La plénitude culturelle ne peut que rendre un peuple plus apte à
contribuer au progrès général de l’humanité…» Tous les écrits et toutes les pensées de ce deux
imminents fils du Sénégal, ont eu pour socle la culture de l’excellence qui s’appuie sur l’intelligence et
le génie des sénégalais, voire des africains de tous les horizons, sans exclusive aucune.
Au Sénégal plusieurs religions se côtoient à l’école ; la religion musulmane (avec plus de 95%
de la population), la religion chrétienne (constituée pratiquement de catholique : 04%) et la
religion traditionnelle (formée par les minorités : 1%). Ces religions vivent en harmonie dans
une tolérance mutuelle dans toutes les écoles confessionnelles et/ou laïques. Cette
cohabitation pacifique à l’école doit être sauvegardée et renforcée à travers cette offre. En
aucune façon l’école ne doit être un espace où une religion, quelle qu’elle soit, se déploie au
point d’opprimer les autres. Ceci est d’autant plus vrai que l’interdiction du voile islamique
n’était en réalité inscrite dans le règlement intérieur d’aucune école privée catholique. Notre

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commun vouloir de « vivre ensemble » tel que stipulé par notre charte fondamentale
transcende à la fois ces règlements intérieurs d’institutions scolaires et nous invite à toujours
méditer notre devise en l’occurrence « un peuple, un but, une foi ». Contrairement à certaines
allégations, le port du voile, de la croix ou d’un quelconque autre signe religieux extérieur n’a
jamais attiré l’attention de qui que ce soit au Sénégal jusqu’à une époque très récente. Ce n’est
pas non plus s’affranchir de valeurs occidentales, pour épouser une culture arabo-islamique.
Ce n’est ni l’un, ni l’autre, mais plutôt, les valeurs qui ont été les nôtres et qui nous ont
permis de faire pratiquement plus d’une soixante années d’éducation et de formation dans une
entente et une cohabitation fraternelle et cordiale entre tous les fils du Sénégal, quelles que
soient par ailleurs leurs confessions, leurs ethnies voire leurs races. C’est dans ce cadre qu’il
faut placer la position de Mr Ousmane Sonko, qui surement s’est prononcé en tant que
personne physique épris d’équité, et de justice dans le contexte d’Excellence du Concours
Général, même si par ailleurs il incarne la personne morale que constitue le Premier Ministre.
Quel est l’intérêt d’amener dans le système éducatif des changements et des mutations qui
sont de nature à remettre en cause, notre commun vouloir de vivre ensemble, qui a bercé
autant de générations d’écoliers depuis les indépendances ? Les règlements intérieurs ou
statuts, de toute structure publique d’intérêt national, au-delà des écoles confessionnelles ou
laïques doivent prendre en compte les connotations populaires, démocratiques et inclusives.
Pour terminer, le rayonnement et l’essor du Sénégal, dans ce village planétaire caractérisé par
le tout numérique, devraient sans nul doute, pouvoir s’appuyer sur une instruction populaire et
inclusive, qui promeut l’Excellence.

Dr. Abdoulaye Dramé
Département de Chimie/
Faculté des Sciences et Techniques/UCAD

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