Dans les quartiers précaires de la Banlieue, comme Guinaw rail, il n’existe pas d’autre système d’assainissement. La vidange des fosses septiques est une vraie problématique. Faute d’accessibilité et de manque de moyens financiers, les eaux usées sont déversées dans les rues, ou des trous sont creusés pour les accueillir, nonobstant les dangers sur le plan de la santé et les sanctions prévues par le code de l’hygiène.

Cette production est réalisée dans le cadre du programme  » Accès à l’assainissement pour tous dans la Banlieue de Dakar « , déroulé par le Cadre de réflexion et d’action des journalistes en Hygiène, Eau et Assainissement, (CRAJHEA) avec le soutien de l’Ong International partnership budget (IBP).

 

Elle production réalisée est proposée par Younoussa BALDE

 

Guinaw rail : Quand les rues sont transformées en déversoir des eaux usées !

 

Guinaw rail Nord ce mercredi. Il faut emprunter des ruelles humides, parfois avec des flaques d’eau stagnante, pour arriver au quartier Sémou Sène. C’est l’un des quartiers les plus touchés par les inondations. Les sillons creusés sur les routes servent à évacuer les eaux de pluie. Amadou Ba, la quarantaine bien sonnante, nous l’avons trouvé assis sur une fosse dite  » fosse perdue », à l’angle de son domicile. Un sillon, qui passe devant chez lui, longe la ruelle principale du quartier. Dans ce  » canal  » de fortune, nous y voyons un liquide, de couleur noire, qui ruisselle du point le plus haut vers celui le plus bas. Ces eaux sales, chargées d’ordures ménagères, se mélangent au sable et offre un spectacle peu reluisant à cette artère pourtant très fréquentée.

 » C’est vrai que l’hivernage a commencé mais il n’a pas encore plu une quantité importante qui peut valoir cette eau. Vous voyez comment cette eau noire. Elle est puante. Quand il pleut, certains habitants ouvrent leur fosse septique pour déverser les eaux dans le sillon  » regrette Moussa Ba, la quarantaine, bien sonnante, que nous avons trouvé assis devant chez lui. A Guinaw rail, la nappe phréatique est affleurante. Pour une petite quantité de pluie, les fosses sont pleines. Dans cette commune, la gestion des fosses septiques est une vraie problématique pour les populations. Beaucoup de maisons sont dépourvues de toilettes adéquates.

 » A cause de la nappe phréatique les fosses se remplissent vite. Les camions de vidange coûte chère, entre 25 000 et 30 000 Fcfa, ce n’est pas donné à n’importe qui. On ne peut pas le payer à chaque semaine. Regardez aussi la géographie du quartier, il n’y a pas de route, du coup les camions ne peuvent pas accéder à l’intérieur. C’est pourquoi certains préfèrent ouvrir leurs fosses quand il pleut ou creuser des trous devant chez eux, pour y vider la fosse. C’est déplorable mais c’est ça la réalité  » martèle M Ba.

Une femme qui porte son enfant entre ses bras, semble intéressée par le sujet. Mariama Sarr s’invite dans les échanges. « Ce n’est pas de gaieté de cœur que les habitants vident les fosses dans la rue. Ils n’ont pas le choix car Guinaw rail n’est pas assaini et la localité est aussi mal lotie. Les camions ne peuvent pas pénétrer à l’intérieur » regrette la jeune dame. Toutefois, elle reconnait que c’est un acte incivique qui peut avoir des conséquences sur la santé des populations, notamment les femmes et les enfants, qui sont plus vulnérables. « Mais que faire ! » s’exclame-t-elle.

Non loin, nous croisons le député Mame Diarra Fam. La parlementaire se dit choquée par la situation que vivent les habitants de sa commune.  » Tout ceci est dû à un manque d’assainissement. Nous interpellons le pouvoir central car l’assainissement demande de gros moyens. Sur ce sillon devant, il n’y a pas que l’eau de la pluie. Il y’a aussi des eaux usées, des eaux des fosses. Mais les populations n’ont pas le choix. Cependant nous ne cesserons de plaider à l’assemblée nationale pour que Guinaw rail soit assaini  » explique la parlementaire.

Abib Faye Président du mouvement « Dékkal Guinaw rail ».

« La solution, c’est de nous brancher au réseau d’assainissement de l’Onas comme à Pikine Ouest, Nord et Est mais… »

Cap sur le quartier Ibou Sène, toujours à Guinaw rail Nord. Le décor est peu reluisant. Les eaux stagnantes de la pluie de ce mercredi font le décor des rues et ruelles. Dans ce quartier aussi, la nappe phréatique est affleurante. Ici aussi la problématique de la gestion des fosses septiques est une lancinante.  » A Guinaw rail, sur 100 maisons, au moins les 90 n’ont pas de toilettes adaptées. Les fosses se remplissent vite et les populations sont obligées de les vider dans la rue car les fosses se remplissent quotidiennement  » regrette Abib Faye.

D’après toujours Abib Faye, la situation est très difficile compte tenu de la nappe qui est affleurante.  » Les populations ne peuvent supporter les frais de vidange qui sont lourds. Certes la mairie à un camion de vidange des eaux usées, à 15000 F, mais toujours est-il que c’est cher pour les populations démunies. D’autres ont des machines, ils font vider les fosses à 10000 Fcfa. Mais les populations préfèrent les baye pelle car c’est très cher  » tonne M Faye. Pour lui, les populations vivent cette situation depuis des années.  » Nous estimons que la solution c’est de nous brancher au réseau de l’Onas. Les populations sont prêtes à payer. Sans quoi, nous allons toujours vivre dans ces conditions difficiles » martèle Abib Faye.

Mme Diouf Khady Ly Infirmier chef de Poste (ICP) du poste de santé de Guinaw rail

« Vider sa fosse dans la rue entraine des maladies comme la diarrhée, la pneumopathie et les dermatoses »

Sur le plan de la santé, la mauvaise gestion des fosses septiques dans les quartiers précaires est une vraie préoccupation. Selon Khady Ly Diouf, infirmier chef de poste (ICP) du poste de santé de Guinaw rail, vider une fosse dans la rue est un véritable dans pour les populations. « Cela peut entrainer des maladies comme la diarrhée, la pneumopathie et les dermatoses. Ce sont des pathologies que nous rencontrons surtout chez les enfants de 0 à 5 ans» explique-t-elle. A l’en croire, la situation est préoccupante surtout pendant la saison sèche.

« Si nous enregistrons 200 malades le mois, nous pouvons avoir au minimum 30 cas de diarrhée, une trentaine de cas de pneumopathie et de nombreux cas de dermatoses » regrette la blouse blanche. « Le non respect des normes de l’hygiène est dangereux pour les populations » alerte Mme Diouf. Cependant, elle souligne qu’elle effectue des causeries dans les quartiers pour sensibiliser les populations sur la nécessité de bien gérer leurs fosses et d’arrêter surtout de les vider dans les rues.

« L’assainissement n’est pas une compétence transférée. C’est pourquoi nous invitons le pouvoir central à aider les populations. Nous appelons aussi la population à un changement de comportement car impossible n’existe pas. Elles doivent redoubler d’efforts pour leur sécurité sanitaire car l’hygiène est le premier médicament, la première prévention. Comme dit l’adage courir derrière une maladie, c’est perdu d’avance » martèle l’Icp du poste de santé de Guinaw rail.

Diégane Sène chargé du contentieux et de la législation de la brigade départementale d’hygiène de Pikine.

« La vidange des fosses septiques dans la rue est formellement interdite par le code d’hygiène… »

Vider une fosse septique dans la rue, en creusant un trou ou en ouvrant sa fosse pendant la pluie, est presque un acte anodin pour certains habitants de Guinaw rail. Pourtant la vidange des fosses dans la rue est interdit par la loi. « La loi 83-71du 05 juillet 1983 portant code de l’hygiène en son article L 17 du code l’hygiène, interdit formellement cette pratique » précise d’emblée Diégane Sène.  Selon le chargé du contentieux et de la législation de la brigade départementale d’hygiène de Pikine, de lourdes sanctions sont prévues dans ce sens. « Les amendes peuvent aller de 210 000 à 2 millions Fcfa. Une peine d’1 à 2 ans de prison ferme est aussi prévue par la loi » ajoute le soldat de l’hygiène.

« …Nous pouvons recevoir jusqu’à six (06) réclamations par jour »

La gestion des fosses septiques est une vraie problématique dans les quartiers précaires de la Banlieue. Certaines fosses « dites fosses perdues » pleines, dégoulinent dans la rue. Certaines populations creusent des trous pour les vider. « Dans certains quartiers, comme Guinaw rail, il n’y a pas d’assainissement. Avec la conjoncture, certains ménages n’ont pas les moyens de prendre les services des camions de vidange. Du coup ils font recours à la vidange manuelle. Mais chaque jour, nous recevons des réclamations de population dans ce sens, qui viennent pour dénoncer cette situation. Nous convoquons les mis en cause pour les expliquer sur ce qu’en dit la loi. Nous effectuons aussi des visites de terrain pour sensibiliser les populations » explique Diégane Sène.

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